— Nous retrouvons tout de suite notre envoyé spécial au Vatican, Jean-Michel Toussaint. Jean-Michel, est-ce que vous nous entendez ?

— Oui Emmanuel. Eh bien ici place Saint-Pierre, la situation est assez confuse, mais rien ne semble évoluer pour l'instant. Un cordon de gardes suisses a été déployé pour tenir les manifestants à l'écart, mais les organisations syndicales ne semblent pas décidées à faire le moindre compromis et aucun cardinal n'a pu quitter le bâtiment depuis maintenant deux semaines.

— On peut donc dire que les négociations sont au point mort.

— Oui les négociations sont au point mort, la partie adverse ayant adressé une fin de non recevoir aux syndicats.

— Il faut reconnaître que depuis le début du conflit, Dieu, comme à son habitude, ne s’est pas montré particulièrement affable.

— Non Emmanuel, exactement. Et on ne peut pas dire que ce soit une surprise, puisque... Attendez, je crois qu'un des responsables syndicaux est en train de prendre la parole. Oui. Difficile de l’entendre au milieu de ce brouhaha mais il me semble avoir compris que, ses exigences pourtant très raisonnables n'ayant pas été entendues, ses camarades ont décidé de reconduire le mouvement pour une troisième semaine.

— Le mouvement va donc continuer, c'est bien cela Jean-Michel ?

— Eh bien oui, le mouvement n'est pas parti pour s'arrêter.

— Il serait peut-être temps de revenir sur les revendications des grévistes, pour nos spectateurs qui n’ont pas suivi le début du conflit.

— Eh bien Emmanuel ce sont toujours les mêmes depuis le début du mouvement : de meilleures conditions de vie, une réforme a minima des règles cosmiques, à commencer par la réforme dite de la Chute, qui a condamné les hommes à gagner leur pain à la sueur de leur front, réforme dont sait qu'elle avait déjà été jugée particulièrement injuste lors de son adoption. Mais depuis quelques jours il semble que les syndicats soient débordés par leurs bases : on entend parler d'une augmentation radicale de l'espérance de vie, parfois d'une abolition définitive de la condition mortelle. Les observateurs s'accordent à reconnaître qu'il s'agit là de vœux pieux qui n'ont aucune chance d'être exaucés.

— Merci Jean-Michel. Je vais me tourner vers notre consultante Bernadette Soubirous, qui a eu la gentillesse de nous rejoindre sur le plateau. Bonjour Bernadette, comment allez-vous ?

— Très bien, merci.

— Bernadette, nous savons que vous êtes une proche de la famille divine puisque la Vierge vous apparaît régulièrement. Dieu est resté totalement silencieux depuis le début de cette affaire, une posture qui lui a été vertement reprochée. Avez-vous eu récemment l'occasion d'entrer en contact avec lui dans vos visions ?

— Malheureusement non Emmanuel, Dieu ne m'est apparu dans aucune transe depuis maintenant plus de quinze jours, signe que la situation est très grave.

— Bernadette, on m'annonce dans l'oreillette que Saint Thomas, leader de l’intersyndicale, est disponible. Saint Thomas est-ce que vous m'entendez ?

— Euh oui bonjour m'sieur Emmanuel. Vous m’entendez ?

— Nous vous entendons Saint Thomas, vous êtes à l'antenne.

— Alors oui voilà, mes camarades et moi on tient à dire qu’on ne repartira pas sans du concret. Dieu se paye notre tête depuis trop longtemps, là on veut des preuves que ça va changer sinon on bloque tout.

— Merci Saint Thomas. Décidément Bernadette la situation semble enlisée. Est-ce que vous voyez une issue possible au conflit ?

— Cela paraît difficile Emmanuel, le dialogue est complètement rompu entre Dieu et les hommes, le recours à un médiateur semble inévitable. Selon certaines rumeurs, Dieu aurait envoyé son fils à la rencontre de la foule en colère, espérons que tout se passera bien pour lui.