La règle qui veut que la taille des êtres vivants s'accroisse en fonction de l'espace disponible ne souffre d'aucune exception. Si le phénomène du nanisme insulaire ou celui des poissons rouges qui gagnent en taille en proportion du volume d'eau contenu dans leur bocal, abondamment documentés, sont les premiers à nous venir à l'esprit, ils ne sont que deux exemples particulièrement saillants d'un phénomène plus général.
Remarquons par exemple que les plus grands animaux terrestres et volants, dinosaures et insectes géants, ont vécu à l'époque où plusieurs des cinq continents actuels ne formaient qu'une seule masse de terre, plus vaste qu'aucune de celles que nous connaissons aujourd'hui. Comment expliquer pareille coïncidence, sauf à supposer que ces animaux, d'une façon ou d'une autre, étaient conscients de la vastitude des terres qu'ils foulaient et ont en conséquence décidé de prendre leurs aises, laissant la masse de leurs corps s'étendre dans des proportions considérables ?
Sauf à supposer que l'espèce humaine, empire dans un empire, soit miraculeusement épargnée par cette loi universelle, remarquons que la taille moyenne n'a cessé d'augmenter au cours des deux derniers siècles, alors précisément que se développaient des moyens de transport toujours plus rapides. L'homme dont l'horizon se confondait avec celui de son hameau était de plus faible taille que celui dont le destin se jouait à l'échelle d'une nation, lui-même bien chétif à côté des habitants de notre village global.
Quelles que soient les préventions bien compréhensibles que notre époque hostile à ce genre de conjectures éprouve envers toute forme de lamarckisme, il est impossible de ne pas supposer l'existence ici d'une règle : les êtres vivants, animés du désir bien ancien, aussi ancien sans doute que la première cellule vivante, de croître et de se multiplier, seraient capables de pressentir, de façon confuse et bien au delà des faibles limites de leurs sens, l'espace dont ils disposent. Si pareille hypothèse devait se confirmer, ses conséquences pour notre espèce seraient des plus inquiétantes.
Sitôt bâtis les premiers dômes occupés à la surface de Mars, on assistera ici-bas à l'apparition d'êtres gigantesques, aux proportions conçues pour les espaces intersidéraux et non pour la Terre, dont les membres, mesurés en années-lumière, dévasteront des continents entiers, et qu'aucune augmentation du rendement agricole ne parviendra jamais à nourrir.